chasing cars

♢♢ no more hiding who i wanna be, this is me.
01 ~ Niven a déménagé dans cette jolie ville alors qu'il était âgé de six ans, un changement voulu par le boulot de son père et qui ne l'a nullement dérangé, il s'en est facilement accommodé, comme avec tant de choses. 02 ~ Niven a toujours été l'archétype du gamin qui réussirait plus tard, premier à de nombreux concours d'orthographes, le jeune a toujours éprouvé une certaine facilité pour épeler les mots. L'école n'a jamais été sa bête noire, que du contraire, il appréciait de se retrouver dans cet environnement, il n'a jamais hésité à aider un de ses amis pour améliorer ces notes. Sans être le premier de la classe ou bien un intello coincé, le jeune enfant a toujours eu en tête qu'on ne peut pas réussir sans effort et sa vie, il ne se l'imaginait pas autrement que grandiose. Et ses études le conduisaient dans cette voie. Deux années avant que tout ne soit foutu, avant que sa rentrée prochaine ne soit totalement compromise, personne ne désire accueillir un étudiant suspecté de meurtre. 03 ~ Il avait trop bu ce soir-là, comme les autres personnes présentes dans la voiture. Il n'aurait pas dû prendre le volant. Mais il était Niven, l'homme responsable, celui qui allait tout avoir dans la vie, celui qui allait devenir un médecin reconnu. Celui que rien ni personne ne pourrait arrêter. Il était celui qui buvait le moins mais qui buvait tout de même. Et la voiture n'a pas aimé cela. Et la voiture s'est vengée, l'accident a été créé ainsi que leurs conséquences. Inconscient après le choc, l'homme du passé quelque jours à l'hôpital pour des blessures qui même si conséquentes sur le coup n'amenaient rien de graves à long terme. C'est durant cette période qu'il apprit tout ce qui avait été causé. La jambe perdue, la vie qui s'écoulait petit à petit. Toutes les personnes qu'il avait blessées. Toutes celles qui s'étaient enfuies ce jour-là. Tellement d'éléments qu'il ne savait plus où donner de la tête mais restait ce sentiment culpabilité qui n'arrivait pas à disparaitre de son être. Cette culpabilité qu'il assumait seul même s'il n'était pas le seul à avoir trop bu, même si la dose excessive d'alcool dans son sang était également le résultat des efforts de Connor qui, dès qu'il le pouvait remplissait le verre de son ami. Non, Niven a assumé tout ce qui s'était passé, le poids de ses erreurs, ce poids qui ne lui permettait plus de se regarder en face. Le temps entre l'accident et sa condamnation a été le plus douloureux pour lui. Plaidant coupable, le ministère public a accepté de faire un marché avec lui, dix ans de sa vie contre ce qu'il avait causé. Dix années qui n'étaient rien par rapport à ce qui s'était passé. Dix années dont il n'en fit que six. Il dispose aujourd'hui d'une liberté conditionnelle décidée suite à sa bonne conduite en prison. Il est pour le moment en période de probation, le moindre délit qu'il pourrait commettre le renverrait en prison mais l'homme n'a pas l'intention de retourner dans cette voie tortueuse. 04 ~ La vie en prison n'était pas aisée tous les jours mais Niven tenait parce qu'il n'avait pas d'autre choix, parce que montrer ses faiblesses ne ferait que rendre sa propre situation plus périlleuse. Mais dans tout ce chaos, dans toute cette rancœur contre lui-même, dans tout ce qu'il détestait de sa propre personne, il restait une constance : la lecture. Lire, passer le temps qu'il pouvait à la bibliothèque. Oui, cet espace lui permettait de rester en phase avec la réalité, de s'assurer de ne pas devenir fou. Le futur médecin contraint de passer ses journées couchées dans une cellule, de sortir de temps en temps, de pratiquer des activités bien loin de ce à quoi il était destiné. Lire était son échappatoire, une échappatoire qu'il poursuit encore maintenant. L'homme va régulièrement emprunter des livres à la bibliothèque, découvrir encore et toujours. C'est également son meilleur moyen d'évasion ou celui qu'il a pris à développer, celui qu'il ne serait plus vraiment capable de changer maintenant. La seconde activité qui occupait son temps était l'écriture. Niven écrivait énormément, à son frère et à sa mère pour leur donner des nouvelles mais également à Logan pour non pas obtenir son pardon mais lui faire comprendre que ce n'est nullement ce qu'il désirait. Qu'il regrette tout ce qui s'est passé.  Et puis, il y a également toutes ces lettres écrites et non envoyées, celles pour Cale et Joshua, celles pour Connor, pour Erin, pour tous ceux qu'il a en partie détruit cette nuit-là. Et puis, il y a toutes celles pour Max, pour celle qu'il a refusé de laisser dans sa vie. Pour celle qu'il aimait plus que tout mais qui méritait bien mieux qu'un taulard dont elle devrait attendre la sortie. Toutes ces lettres, il les a conservées, il continue de les écrire sans oser les envoyer, sans vraiment oser en parler pour certaines. Un secret comme tant d'autres cachés sous son lit. 05 ~Cet accident a eu des conséquences désastreuses sur ses relations familiales. Parce qu'il avait toujours été le digne fils de son père, celui qui ferait de grandes choses, celui qui le rendrait fière. Son père n'a jamais accepté que son fils soit un meurtrier, qu'il ait gâché sa vie pour un petit peu d'alcool et de l'amusement. Non, il ne lui a jamais pardonné et il n'a pas non plus accepté de lui offrir les meilleures chances pour s'en sortir. A partir du moment où son fils a été accusé, le père l'a laissé tomber, l'a renié parce qu'il n'était plus cette perfection qu'il cherchait. Ils ne se sont plus revus depuis son emprisonnement. Sa mère quant à elle n'a jamais laissé tomber son fils, malgré les remontrances de son mari, elle a toujours été là pour lui, elle a été une des rares personnes à venir le voir en prison, à voir autre chose en lui que le meurtrier et il l'a toujours remerciée pour cela. Ce qu'il n'a jamais accepté c'est son argent, cet argent qu'elle a toujours cherché à lui faire parvenir, cet argent qu'il était parfois contraint d'utiliser pour se payer des choses en prison. Un argent qui s'est fait grandissant depuis sa sortie mais auquel il ne touche plus du tout. Son frère lui en a beaucoup voulu au début et puis finalement, il a préféré laisser le tout de côté, il a préféré abandonné sa rancœur pour venir le revoir et c'est maintenant chez ce dernier que Niven vit. Il sait qu'il n'est pas le colocataire idéal ni mémé la personne avec laquelle on désire être relié et pourtant il l'aide, encre et encore, toujours et encore plus. Et puis il y a sa petite sœur, celle qu'il aimait tant et qu'il aimera toujours. 06 ~ Niven ne pensait jamais être un bon menteur et pourtant il cache de nombreux mensonges depuis cette nuit, par rapport aux personnes présentes, par rapport à ce qu'elles ont fait, pas rapport à tant de choses. Il cache également ce mensonge d'amour. Niven ne pouvait supporter que sa copine de l'époque reste avec lui et l'attende. Il a tout fait pour la faire fuir, laisser croire qu'il l'aurait quitté s'ils étaient restés ensemble à l'époque avant de finalement la retirer de la liste des personnes autorisées à lui rendre visite. Il préférait la savoir heureuse plutôt que déprimée en train de l'attendre encore et toujours, cela n'aurait pas été une vie pour elle. 07 ~ Niven apprécie de sortir sous la pluie, de sentir les gouttelettes lui tomber dessus, d'avoir cette impression que le monde continue de tourner, que quelque part il pourra trouver un moyen de s'en sortir. Il se moque de finir trempé, de ne plus savoir comment avancer, d'attraper un rhume, il essaye simplement de profiter de l'instant et d'oublier, encore et encore tout ce qui prend possession dans son esprit. 08 ~ Il va déposer des fleurs sur la tombe de Jack une fois par semaine depuis sa sortie, il passe un moment à lui parler, à essayer de trouver un moyen de continuer d'avancer malgré ce qu'il a fait. Mais il n'y arrive pas. Sa mère le pousse à reprendre des études, à tenter de devenir infirmier, de ne pas réaliser ce qu'il désirait mais d'au moins se rapprocher de ce qu'il avait en tête. Mais Niven n'accepte pas. Il ne voit pas sa vie comme ayant une possibilité d'avancement. Il a tué quelqu'un, pourquoi continuerait-il à vivre ? De s'assumer ? D'avoir une belle vie après tout cela ? Non, Niven n'arrive pas à tourner la page et sans doute que les regards qu'il reçoit d'autrui ne l'aide pas à se voir autrement. 09 ~ Niven parle trois langues. Tout d'abord, sa langue maternelle qui est l'anglais, ensuite le français de par son lieu de naissance et une volonté de ses parents au cas où il voudrait un jour retourner à Montréal et finalement l'allemand afin de faire plaisir à son père. Il lui arrive très souvent de jurer dans ces autres langues, une habitude qu'il a prise depuis son enfance et qui ne risque surement pas de disparaitre de sitôt. 10 ~ Depuis sa sortie, l'homme éprouve de grandes difficultés à se réhabituer à une vie hors des murs de la prison. Il a beaucoup de mal à rester dans des espaces trop grands pendant trop longtemps. Il est également incapable de dormir plus de cinq heures par nuit, pris d'énormes insomnies, il passe plus de temps à faire des pompes enfermé dans sa chambre plutôt qu'à se coucher dans son lit. Tout est bon pour ne pas dormir et aussi pour ne pas penser. Niven prend des somnifères ou tout autre médicament qui pourra faire taire ses pensées, qui pourra lui permettre de trouver un moment de calme qui n'arrive jamais. Ses nuits sont des cauchemars ambulants et ces jours ne sont guère mieux. L'homme mange très mal et si son frère n'était pas là sans doute passerait-il son temps à manger dans les fast food des environ. Il passe au moins une heure sous la douche chaque matin. Il a besoin de se dépenser, de courir, de faire du sport, d'essayer de retrouver un peu de sa liberté même si cela est plus que compliqué. Même dehors, il a l'impression que d'un jour ou l'autre tout peut changer, qu'il peut redevenir taulard en un claquement de doigt. Non, c'est tout un monde qu'il doit réapprendre une vie différente, effrayante. Une vie dans laquelle il n'a plus de but ni même d'avenir. Il n'est que le type accueillit par son frère. Le type qui n'a pas les moyens de s'offrir un logement, qui sera toujours vu comme ce tueur d'enfant dans la fleur de l'âge, enfant qu'il était encore lui-même à l'époque.  Cela fait maintenant six mois qu'il est sorti de prison et pourtant, il ne se défait pas de cette impression d'enfermement permanente. Il a d'ailleurs mis plus d'un mois avant de réellement sortir de chez son Amaury. Sa mère le pousse à consulter un psy ce qu'il refuse obstinément.

♢♢ all the past is just a lesson that we've learned.
Les mots avançaient sur la feuille de papier. Les mots se figeaient, une fois encore, une fois de plus. A chaque fois la date était notée avec une précision d’horloger, ne pas perdre le fil des jours, essayer de garder une constante dans ce monde qui n’en avait plus. Les années passaient mais si doucement, si douloureusement, si difficilement que l’homme cherchait encore comment s’acclimater à tout cela. Oh son corps avait trouvé le rythme, accepté ce qu’il était maintenant obligé de subir. Les réveils forcés, les douches collectives, le manque d’espace personnel, la présence de ces autres personnes, ces personnes qui avaient commis des crimes, des délits, des infractions, des hors-la-loi tout comme lui tout en étant bien différents. Il était l’homme qui aurait pu être ailleurs, l’homme qui avait échangé sa liberté contre quelques verres d’alcool. Alcool destructeur. Alcool qui lui avait enlevé tous ses rêves, tous ses espoirs, tout cet avenir qui s’annonçait en sa faveur. Non, maintenant, plus rien n’allait dans ce sens et les mots qu’ils déposaient sur le papier ne pourraient en rien arranger la situation et pourtant, il continuait de les écrire, d’y déposer ses doutes, cette envie de pardon à laquelle il n’osait même pas penser. Cette envie à jamais irréalisable et pourtant ancré dans son cœur.

dernier parloir avec Max.

L’homme sait qui va venir le voir. L’homme sait ce qui va se passer. Sur ses traits, il est toutefois impossible de lire tout ce qui se joue dans son cœur. La femme entre, souriante et en même temps attristée. La femme arrive, vient le voir. La femme sourit tout en se retenant de pleurer. Il lui manque, il le sait… L’homme ne voudrait qu’un instant faire durer le moment, le faire durer jusqu’à la fin des temps. Profiter d’elle, de sa beauté, de sa gentillesse, la garder à ses côtés un peu plus longtemps. Un peu plus longtemps que ce qui est prévu. Mais il ne pouvait pas. Il devait la libérer pour que tout se passe mieux entre eux. Pour qu’elle puisse vivre, encore et encore. Pour qu’elle ait un avenir. Pour qu’elle ait tout ce qu’il n’était pas en mesure de lui offrir. « Qu’est-ce que tu fais encore ici Max ? » Se montrer blessant, ne pas entendre ce qu’elle répond, simplement continuer ce dialogue de sourd, le dernier, le dernier acte de cette ancienne vie. « Tu devrais retourner à ta belle vie, en dehors de ces murs, tu devrais y retourner et ne plus jamais revenir. »  Et les mots s’enchainent et les mots continuent leur course. Il renchérit en lui disant qu’elle n’était rien pour lui, qu’elle n’était qu’une passade, qu’il avait déjà trouvé avec qui s’amuser à l’université. Il dit encore et toujours plus. Il lui fait mal. Il le sait. Il fait celui qui ne ressent rien. Il fait celui qui se moque de tout. Il est un meurtrier pas vrai ? « Ne reviens plus me voir. Je n’en ai plus envie… Après que je sois sorti d’ici je te retire de la liste des personnes autorisées à venir me voir. » Et il allait le faire. Toujours monocorde. Ne pas laisser la demoiselle voir ce qui se passait au fond de lui. Combien tout cela lui brisait le cœur. Combien tout cela détruisait son cœur. Mais il savait que c’était pour son bien. Mais il savait qu’il ne pouvait pas agir autrement. Elle ne méritait pas de payer pour ses erreurs. Elle ne méritait pas de l’attendre pendant dix années. Il avait plaidé coupable, sa peine en avait été réduite mais tuer un homme ne pouvait en aucun cas faire de lui un homme heureux. Elle ne pouvait pas l’attendre, il ne le méritait pas.

Les murs ont explosé.
L’homme a retrouvé le chemin de la liberté.
Le soleil l'a brulé.
Les bruits l’ont dérangé.
La vie n’arrivait plus à avancer.
Ni même à tout recommencer.
Parce que l’homme durant toutes ces années.
Jamais au grand jamais n’avait pensé.
Combien son être continuait de vivre dans le passé.

Passé prenant.
Passé dérangeant.
Passé dans lequel il s’est jeté.
Passé dans lequel tout son être s’est oublié.
Passé qu’il ne pourra jamais laisser de côté.

Non !
Jamais le meurtrier
Ne pourra oublié le sang
Qui sur ses mains a coulé.